Paix sociale

Valérie Favre

Qui, dans son enfance, n’a pas joué avec les escargots ou n’a pas été émerveillé.e par certains insectes ? Valérie Favre s’est laissée inspirer par ses souvenirs de jeunesse pour la composition de son instruction. Comme elle le raconte en parlant de son travail réalisé pour (re)connecting.earth, elle se souvient du temps où elle imaginait des rencontres et des dialogues entre différentes espèces. Perdrions-nous cette inventivité avec l’âge ? Favre semble vouloir pallier cet oubli. Elle propose ainsi une activité qui marie l’humour et le sérieux de l’urgence environnementale, qui menace ces mêmes insectes tout comme l’humanité.

Fortement influencée par le monde du théâtre, très présent dans ses peintures, Favre invite ici, en trois étapes, à inventer une pièce portant sur les thématiques écologiques, non pas destinée aux humains, mais aux insectes. Comme l’artiste le mentionne toutefois au dernier point de son instruction: l’un d’eux ne semble pas d’accord.


Réponse d'un scientifique à l'instruction Paix sociale de Valérie Favre :


Chère Valérie Favre,

Tous les petits enfants du monde sont attirés et intéressés par les animaux (biophilie), même par de petits escargots ou de minuscules insectes. Jouer avec des escargots est une tradition enfantine qui remonte à la nuit des temps.

Le petit enfant fait plus que jouer : il construit ses toutes premières bases de compétences en matière de zoologie. Il apprend à observer et à distinguer les espèces, il décrypte leurs comportements et leur écologie. Cet apprentissage profondément humain (il est certainement inscrit dans nos gènes), rappelle celui de la logique mathématique qui se fait en s’amusant à ranger de petits cailloux en fonction de leur taille, ou celui de sa langue maternelle au contact de ses parents.

Face à l’effondrement de la biodiversité (en Allemagne, plus des deux tiers des insectes ont disparu en 30 ans), cet apprentissage premier du monde vivant revêt une importance brûlante d’actualité. Selon le concept des “bioindicateurs culturels” (BIC), les espèces d’animaux ou de plantes de demain, ceux qui vivront en se porteront bien ou mal d’ici 50 ans, seront comme un reflet de nos capacités d’attention sociétale et individuelle actuelles, ainsi que de nos grands choix culturels et de civilisation vis-à-vis de la biodiversité: des “bioindicateurs culturels”.

Saurons-nous intégrer la biodiversité comme un agent culturel? Saurons-nous ainsi fissurer le mur étanche entre Nature et Culture? Saurons-nous admettre que la connaissance de la biodiversité deviendra aussi importante que de savoir lire, écrire, calculer, utiliser nos ordinateurs ou parler?

Merci pour votre consigne insolente qui n’a rien de naïf. Encourageons plus que jamais nos enfants à jouer aux escargots. Le monde qui les attend sera écologique ou ne sera pas. Et aux adultes d’agir plus rapidement (mais sans y laisser au passage nos valeurs profondes comme la démocratie) pour préparer ce grand basculement vers le nouveau monde obligatoirement écologique de nos enfants.

Pascal Moeschler, instituteur, biologiste et hydrogéologue

  • Paix sociale

    Valérie Favre, Paix sociale, instruction d’artiste, 2021

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    Valérie Favre, Paix sociale, instruction d’artiste, 2021

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    Valérie Favre, Paix sociale, instruction d’artiste, 2021