Give Trees a Name

Adrien Missika

Au travers de son instruction, Adrien Missika invite à baptiser les arbres de sa rue, de son jardin ou de sa cour intérieure. Si l’acte de donner un nom à un bébé, voire un surnom à un être proche, peut paraître évident, celui de trouver une appellation propre à un végétal sort du commun. Pourtant, "nommer l’autre permet d’identifier quelqu’un ou quelque chose, permet aussi de le différencier tout en l’inscrivant dans un groupe. C’est une opération symbolique qui noue alors le singulier au collectif: le bébé qui vient de naître est inscrit socialement, il est reconnu par la société […], cela lui donnera une identité" (Guerrero).

Donner un nom aux végétaux que l’on fréquente au quotidien offre pourtant une possibilité de créer du lien – un moyen de porter une nouvelle attention à l’autre. En perdant son anonymat, l’arbre devient plus proche, presque un parent.

Réponse d'une scientifique à l'instruction Give Trees a Name d'Adrien Missika :

Cher Adrien Missika,

Baptiser un arbre : un acte simple, à portée de toutes et tous, et pourtant bien chargé de force et de symbolisme. Comme le dit cette célèbre citation attribuée à Jacques-Yves Cousteau : “On aime ce que l’on connaît et on protège ce que l’on aime”. Créer un lien personnel avec ce qui nous entoure est un ingrédient essentiel de l’engagement pour la protection de la nature. Nommer est un acte que l’être humain effectue par sa maîtrise du verbe, offrant ainsi une existence propre et définie aux choses qui l’entourent. Nom latin, nom vernaculaire, nom commun, nom courant, nom propre... La science aussi s’est très tôt intéressée à classer, répertorier et nommer les êtres vivants, sur les pas de Carl von Linné (1707-1778) et de la méthode de désignation scientifique qu’il a développée.

Les arbres sont nos compagnons de route depuis la nuit des temps, les grands sages du monde végétal. Ils ponctuent notre quotidien de leurs bienfaits, que ce soit à travers les nombreux services qu’ils nous rendent “gratuitement” mais également en tant que support fondamental pour la biodiversité ou encore sculpteurs de nos paysages. Saviez-vous que plus de 2’300 espèces différentes sont directement ou indirectement liées à la présence d’un seul vieux chêne? Ou encore qu’un arbre en milieu urbain nous procure îlot de fraîcheur, rétention de l’eau de pluie, purification de l’air, stabilisation du sol, mais aussi nourriture (fruits, fleurs), odeurs ou formes changeantes au gré des saisons et du temps? Faut-il rappeler que l’arbre, avec l’ensemble des végétaux, nous permet tout simplement d’exister sur la Terre en nous fournissant l’oxygène vital? Mieux encore, il inspire le CO2 que nous rejetons à l’expiration, formant ainsi une boucle biochimique vertueuse.

Mais les arbres sont aussi des lanceurs d’alerte, des témoins du temps long climatique. Du fait de leur croissance lente et de leur incapacité à se déplacer, ils subissent d’ores et déjà les bouleversements que nous commençons seulement à pressentir. De nombreuses essences indigènes (originaires de nos régions) souffrent aujourd’hui déjà des climats genevois, en particulier en ville, et peinent à subsister et à se développer dans les conditions actuelles. Le Canton de Genève, riche d’un patrimoine arboré exceptionnel (plus de 1500 espèces différentes), prévoit de renforcer de manière conséquente l’arborisation afin d’atteindre un taux de canopée de 30% d’ici 2070 par la plantation de quelques 150’000 arbres et le renforcement de la protection des arbres existants.

Il est grand temps de redonner à l’arbre, mais également de manière générale à la nature et à l’ensemble des êtres vivants, la place et l’attention qu’ils méritent !

Delia Fontaine, biologiste

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