Racines

Caroline Bachmann

Avec une affiche dessinée au format vectoriel, Caroline Bachmann propose, en deux étapes, de regarder un arbre ou une plante puis, en fermant les yeux, d’imaginer ses racines. Avec son instruction, Bachmann montre le pouvoir de l’image en parvenant à donner des consignes claires sans texte. Par des signes et des motifs simples, reconnaissables malgré les potentielles barrières de langue, l’artiste parvient à inciter à une action aussi facile qu’inhabituelle: la représentation mentale d’éléments invisibles. Parties pourtant fondamentales de notre environnement, les racines, parfois aussi grandes que les arbres eux-mêmes, restent souvent un mystère qui demeure caché sous la terre.

L’action méditative que suggère Bachmann permet d’imaginer un monde étranger, pourtant juste au-dessous de nos pieds. Nourriture pour l’imagination, l’action de mentalisation offre un rapprochement avec le végétal, basé sur une reconnaissance d’une forme de cohabitation. On reprend alors conscience du fait qu’en plus des racines, c’est toute une constellation d’êtres et de matériaux invisibles qui se trouvent à quelques centimètres de nous.

Réponse d'une scientifique à l'instruction Racines de Caroline Bachmann :


Chère Caroline Bachmann,

Dans votre proposition, les racines nourrissent l’imagination. Dans la nature, leur fonction la plus connue est de nourrir la plante, en lui permettent d’extraire du sol les nutriments vitaux et l’eau qui sera utilisée pour la photosynthèse. Mais elles font bien plus que cela. Elles sont le pilier de la plante permettant de la maintenir debout et de l’attacher au sol. Elles sont également la structure du sol qu’elles habitent le protégeant de l’érosion, l’aérant (comme le font aussi les vers de terre, par exemple) et créant des habitats pour de nombreuses espèces.

Vous invitez à se reconnecter à la terre en imaginant des racines, vous n’auriez pas pu choisir meilleure partie de la plante car c’est grâce à leurs racines que les plantes peuvent s’ancrer en terre, mais surtout se connecter à leurs semblables et à d’autres espèces, tels que les bactéries ou les champignons. Les relations qui en découlent sont solidaires, symbiotiques. L’association avec les champignons se fait avec leur partie souterraine, le mycélium, infiniment moins connu et infiniment plus grand que leur partie visible. Cette symbiose crée des enlacements de filaments, les mycorhizes. Les racines font donc partie d’un immense réseau souterrain qui pourraient relier un imposant chêne à une primevère ou à un tapis de mousses. Ce fantastique réseau permet entre autres la communication et la coopération entre les différentes plantes. Elles peuvent ainsi s’entraider en partageant des ressources en fonction des besoins, éloigner d’autres espèces ou même se prévenir d’un potentiel danger.

Elodie Garibaldi, biologiste

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    Caroline Bachmann, Racines, instruction de l'artiste, 2021